11éme article/question - Chine-Occident ? Des exemples anciens d’options de civilisation opposées (2) - Tissu et Miroir
Jeudi 21 août 2008Tissu et Miroir
Le miroir moderne, capable de donner avec le plus de fidélité et la meilleure définition, l’image réfléchie de la réalité, apparaît au XVIe siècle à Venise très probablement. Il s’agit des premiers miroirs plans composés d’une glace sans défaut, appliquée sur une feuille d’étain parfaitement dressée et moyennant 3 à 4 mm de mercure entre les deux . Cette perfection fut atteinte grâce à l’habileté des verriers de Murano . Avant, les miroirs ne pouvaient être qu’en métal poli - bronze, or, argent, acier, étain - ou alors en cristal de roche poli (miroirs cristallins).
Le moment du décalage décisif d’orientation survient alors entre Orient et Occident . La Chine n’a pas songé à renouveler le rôle du miroir au delà de ses valeurs symboliques et religieuses de départ . Les usages du miroir sont restés les mêmes depuis des temps anciens presque sans changement. Il ne s’agissait toujours que de miroir de métal poli, notamment miroirs de bronze. Liés au mythes, aux croyances, les miroirs ont servi par leurs valeurs symboliques les préceptes moraux (pureté du miroir, symbole de perfection), ils on servi les pratiques divinatoires ; on leur attribuait d’autre part un pouvoir magique .
L’Orient ne s’est pas ouvert, comme l’Occident à partir de la Renaissance, au rôle qu’allait jouer le miroir de verre dans la “réflexion”, la représentation à partir de l’image réfléchie, et dans nombreuse branches des sciences physiques . Les courants d’invention de la Chine et du Japon n’ont pas porté l’Extrême-Orient vers le verre. La Chine n’a guère pratiqué les matières vitrées transparentes : la porcelaine en est très proche certes mais elle cherche plus à être subtilement translucide, non pas à être transparente . Dans la tradition chinoise jamais le verre n’est venu garnir les ouvertures des maisons, à la place le papier huilé .
Pour la Chine, le miroir, comme presque tout, restait attaché au pouvoir des symboles. Alors que pour l’Occident le pouvoir des symboles devenait partiellement caduc devant les progrès de la raison réflexive. Cette opposition d’orientation rejoint et souligne la différence surgie des circonstances et des évolutions historiques désormais de plus en plus divergentes .
Maintenant considérons la peinture et la vision des peintres . Celles de la Chine (ou du Japon) et celles des peintres d’Occident . Le plus important dans cette comparaison des figurations peintes de l’effet de miroir, l’indice décisif des options de civilisation opposées entre l’Orient-extrême et l’Occident, c’est le sort fait aux reflets dans ce qui peut être considéré comme des miroirs naturels, la surface des eaux tranquilles . Dès qu’il en apparaît une dans un tableau de la peinture occidentale, - cours d’eau calmes, lacs, bassins -, alors y figure immanquablement le reflet aussi parfait que possible, l’image réfléchie de toute réalité qui la surplombe, jusque dans ses moindres détails . A plus forte raison en est-il ainsi s’il s’agit d’un surplomb immense comme celui d’une montagne.
Les aplombs rocheux et montagneux au dessus d’un lac ou d’une rivière tranquille ne manquent pas dans les peintures sur soie (ou sur papier) de la Chine (et du Japon) . J’y ai cherché, sans jamais la trouver jusqu’ici, la figuration de leur image réfléchie dans l’eau. Je remarque que ceci vaut - comme indice parfaitement significatif des options de la civilisation chinoise – déjà pour des peintures sur soie ou sur papier même bien antérieures à la période des grandes divergences Orient-Occident, bien antérieures au XVIe siècle (dès le Xe siècle) .
A la place on trouvera bien souvent au flanc des corniches rocheuses ou glissant sur les eaux, des nuages allongés ou des nappes de brume et de brouillard qui jouent la liaison entre l’eau, la terre et le ciel d’une façon évidemment tout à fait opposée à celle des reflets : quelle image réfléchie peut captiver l’imagination du peintre s’il est hanté par les pouvoirs de suggestion voilée des nuages et des brumes entre ciel et terre ? A la place de la réflexion la voie chinoise est la recherche des transformations de la vie en harmonie avec l’ensemble immanent du réel.
Le Miroir est certainement l’un des paradigmes majeurs de l’Occident et le Tissu l’un des paradigmes majeurs de la Chine.
Patrice Hugues
Additif : Aujourd’hui qu’en est-il ?
Deux images
1) - Marc Riboud photographie dans le sud-ouest de la Chine ce paysage d’une vaste étendue d’eau tranquille : pas un reflet ne manque des montagnes qui la surplpmbent au loin ni du batiment ancien au premier plan . Optique d’origine occidentale de l’appareil photographique . C’est beau mais doit-on appeler cette image ” une Chinoiserie d’Occidental “, comme on l’aurait qualifiée au XVIIIe siècle ?
2) - Ici Hu Jen Min Pao, le Président Chinois, reçoit à Pékin, avant les J.O. Manuel Barroso et l’Europe au pied d’une vaste peinture d’un artiste chinois ( sans doute officiel) : il y a les masses écrasantes d’immenses rochers tout à fait “chinois” , et sur l’étroite base qui leur est réservée les reflets de ces masses rocheuses , reflets bien plus occidentaux que les reliefs ; comme sont occidentaux les costumes deux pièces ajustés et sombres portés par toutes les personnalités , est et ouest confondus, il n’y a pas de mot chinois pour désigner ce type de vêtements, il est appelé “costume d’occident ” .
Ce qu’ont lit là c’est la composition Chine /Occident actuellement en cours, ici à l’oeuvre sans du tout qu’on puisse dire que l’un gagne encore sur l’autre.
Cliquez sur les images pour les agrandir