6ème article/question -Le Tissu et les mystères de la conscience
Jeudi 17 avril 2008
Voici le sixième article proposé, il est intitulé “Le Tissu et les mystères de la Conscience”. Comme pour chacun de ceux que vous avez reçus précédemment, votre avis, votre commentaire, que vous pouvez taper dans le cadre « commentaire » à la fin de l’article, aura pour moi le plus grand intérêt . Surtout si quelque chose vous intrigue, vous arrête, doit être complété ou même vous paraît inacceptable .
Merci donc de votre commentaire .
LE TISSU ET LES MYSTERES DE LA CONSCIENCE ?
Pourquoi cette approche de la conscience par le biais du tissu ? C’est qu’il s’agit de trouver le passage, désormais indispensable, entre ces mystères de la conscience et les réalités du vivant, autrement dit entre ce qui est la réalité biologique incontournable de notre être et ce qu’on retient comme le moins réductible à cette réalité biologique, la conscience . Le tissu occupe la position d’un trait d’union, d’une continuité possibles entre les deux . Il fonctionne, il intervient, à condition qu’on y prenne garde, comme une médiation de l’une à l’autre : le tissu est chose physique et chose psychique, les deux à la fois, si près de notre être, si près des tissus biologiques qui constituent intégralement celui-ci.
Mais le difficile est de trouver la juste distance de ce rapport, de rester dans la proximité constante des deux, que l’on distingue trop habituellement et à tort comme étant d’un côté le corps et de l’autre l’esprit . Le tissu se place presque toujours et fonctionne dans ce juste rapport de contact : comme le tissu touche le corps qu’il revêt, il enveloppe la conscience comme à la toucher . Le plus difficile est de rester constamment dans le contact entre ce qui est seulement représentation et pensée et ce qui est l’ensemble des circulations, des flux organiques, dans le rapport d’ensemble interne et externe au réel qui est notre vie . Le plus important se passe d’abord dans le contact du tissu et de notre peau . Le tissu aide à prolonger ce contact dans l’exploration de ces deux faces du vivant humain, lequelles assurément ne font qu’un, comme ne font qu’un “les mystères” de la conscience et la vie de nos sens.
Souvent les observations et réflexions proposées semblent perdre ce contact . Mais sans cesse les passages du tissu s’offrent pour le retrouver, relié, continu . Parce que c’est dans la nature même des tissus d’intervenir ainsi ; c’est justement cette continuité entre la conscience et le vivant que les tissus permettent de ressentir profondément .
Cela peut mener à s’en prendre aux mots en bien des passages de ce genre, c’est inévitable. En effet c’est entre les mots et d’autre part les choses, les corps, les objets, les tissus … que la partie ici est engagée .
Il y a un fait dont on doit prendre garde à la limite de nos sens et qui rend compte en partie de ces « mystères » de la conscience . Notre conscience ne perçoit de façon précise et fine que les sensations des zones périphériques de notre corps, c’est vrai de toute notre peau et des organes de nos sens, bien davantage tournés vers l’extérieur que vers l’intérieur, seule la conscience elle-même peut se percevoir comme intérieure ; de l’intérieur de notre corps nos sensations intéroceptives restent le plus souvent inexplicites, assez frustes et sommaires et notre conscience n’a pas, la plupart du temps, le pouvoir d’agir de façon déterminante et directe sur cet intérieur du corps ; sauf recours à des techniques très particulières de maîtrise de celui-ci , telle le yoga . Je cite un exemple de maîtrise indirecte moyennant le recours à un tissu, à une serviette de table par exemple : dans la douleur d’une opération chirurgicale au bas-ventre, saisir cette serviette, la rouler, la tordre en tout sens avec le maximum de force et de pression des mains et des bras, a pu prévenir et atténuer les spasmes réflexes qui marquent le plus fort de cette douleur.
En Occident on a depuis longtemps considéré le tissu avec une étonnante méfiance : vivant complètement séparés les tissus de nos sens et les tissus de nos représentations, ou bien on a éprouvé qu’ils pouvaient retenir dans leurs plis et dans les rythmes de leurs motifs quelques mystères cachés et troublants, ou bien, pour écarter ce trouble, on a voulu les laisser dans l’insignifiance et les tenir pour rien, au plus bas . En fait “ces mystères en eux cachés” sont avec les mystères de la conscience dans la plus étroite parenté . La place que l’Orient fait depuis toujours aux tissus est bien différente : le tissu y est vécu bien plus dans sa fonction d’entre-deux . Les deux approches ont chacune leurs justifications qui correspondent à des options fondamentales de civilisation, presque opposées, d’un côté et de l’autre. Aujourd’hui il n’est pas dit qu’elles ne puissent composer ensemble - ce qui à bien des égards est tout à fait souhaitable - et qu’il reste dans les tissus des “mystères cachés”, des attributions, des estimations de ces attributions séparées voire opposées, étant donné que la fonction d’entre-deux, de trait d’union est ressentie de plus en plus comme une nécessité en bien des domaines devenus désormais l’affaire du monde entier .
Patrice Hugues