3ème article - Le Tissu “par défaut” - Les Aborigènes d’Australie
Dimanche 24 février 2008Votre avis sur ce 3 ème article, votre commentaire que vous pouvez taper dans le cadre « commentaire » en fin de page aura pour moi le plus grand intérêt . Surtout si quelque chose vous intrigue, vous arrête, doit être complété ou même vous paraît inacceptable . Je vous en remercie vivement d’avance .
A propos des peintures rupestres des Aborigènes
Un Aborigène conduit devant les peintures rupestres des grottes du Périgord et du Larzac ne manquerait pas de ressentir d’abord de fortes correspondances de valeur avec les peintures rupestres de chez lui (1). Chez les Aborigènes d’Australie les peintures rupestres n’ont jamais complètement cessé, d’ailleurs dans les peintures sur écorce, qui leur font suite, même récentes, on a souvent l’équivalent, les mêmes figurations ou presque se retrouvent. Dans les peintures rupestres très anciennes dites de « Style rayon X » les organes internes sont figurés (ex. du kangourou) . Pas de séparation entre le substrat biologique, le physiologique, les organes internes (entrailles: poumons, intestin, colonne vertébrale…) et la figuration de l’animal dans ses formes externes. Il a y aussi des représentations humaines en style rayon X. Certainement ces peintures écartent tout dualisme. Ce que les Aborigènes entendent par « Le temps du rêve » est une vision extrêmement cohérente intégrée et territorialisée de tout la réalité naturelle, y compris humaine, passée et présente, suivant à la trace sur leurs itinéraires les marques laissées par les “grands Ancêtres”.
(1) - C’est l’expérience qu’a faite François Giner v. François Giner : En terre Aborigène - Albin Michel
Peintures sur le corps de losanges striés …comme un vêtement ? Les Aborigènes n’ont jamais eu de tradition de tissage, mais ces peintures corporelles préfigurent le tissu. Elles « n’entrent pas » dans la peau, elles sortent au contraire de l’intérieur du corps qu’elles figurent en partie sur la peau, dans une correspondance de sens avec les peintures de « Style Rayon X » qui montrent les entrailles des êtres représentés. C’est une structuration ritualisée des surfaces du corps, comme inhérente à l’espèce humaine, comme « tissée ».Il ne s’agit pas du tout d’une figuration mimétique du tissu des vêtements forcément récents venus par les Européens.
Peinture corporelle des motifs sacrés du clan de la grand-mère
maternelle, celle-ci étant appelée «colonne vertébrale” ». Parenté
certaine avec les peintures de « style rayon X » les plus anciennes
montrant en particulier la cage thoracique vue de l’intérieur.
Peintures aborigènes récentes : compte et tissages « par défaut » -Dans les peintures d’aujourd’hui, sur écorce, sur toile… on trouve très souvent des stries et rayures parallèles, des croisures (des « diamants ») qui vont dans le même sens, par un genre d’abstraction très près du modèle des structures tissées cependant non pratiquées par les Aborigènes et jusque là “comme tenues en attente”. Ce sont les signes d’un processus structurel originel d’abstraction minimale : ce sont « des rythmes avant tissage », en attente de compte et de tissage, pourrait-on dire. Comme les peintures corporelles en blanc sont pour une part tout à fait symbolique des annonces sinon des « attentes » de vêtements mais disent aussi certainement bien autre chose.
Peinture très récente (acrylique sur écorce ou sur toile). Parenté évidente avec les peintures corporelles,mais aussi peinture « comme en attente du tissage »
- Dans les peintures récentes on a certainement le nombre (points innombrables, ponctuations nombreuses avec le doigt, plus empreintes des mains avec les cinq doigt) mais certainement pas vraiment le compte; pas d’abstraction structurante ni par le compte ni par le tissage, on l’a vu. Par contre on a affaire à des schémas spatio-temporels, une quasi géographie, pas plus pas moins abstraite que celle de nos cartes, allant avec un sentiment très expressif des changements d’échelle dans leur représentation, avec extension vertigineuse par l’innombrable de leurs ponctuations, accompagnant des signes très souvent « territorialisés », indiquant très fortement des repères (des points d’eau, par exemple, certains rochers …), équivalents des êtres, objets, lieux sacrés dénommés qui jalonnent les itinéraires « du rêve » .
Dans les peinture récentes on a certainement le nombre (points innombrables) mais pas vraiment le compte…, une extension vertigineuse vers l’innombrable , des changements d’échelles, accompagnant des signes très souvent « territorialisés » équivalents des êtres, des objets, des lieux sacrés qui jalonnent les itinéraires, ici sans doute celui du « Rêve pluie » ou du « Rêve eau » (Barbara Glowczeswski) .
Le « temps du rêve » des Aborigènes est bien un temps du tissu « par défaut », qu’on peut dire aussi « en attente du tissage ». Il annonce à sa manière le tissage, goût du nombre, habitude des changements d’échelles, sens des rythmes, des répétitions, des croisements et même des entrelacements. Mais n’ayant pas de tradition de tissage ni de pratique du tissu avant l’irruption des Européens, les Aborigènes n’ont jamais eu le sens des plis et replis du tissu qu’ils ne figurent jamais dans leurs représentations même dans leurs peintures récentes. « Le tissu par défaut », c’est autant dire que «le repli réflexif » comme mode de pensée est aussi là seulement “par défaut”. Et cela vaut pour toute leur activité symbolique . Pour les Aborigènes tout est dans « l’étendu existentiel », tout est territorialisé. Et plutôt la permanence que les temps successifs du repli .